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«Je suis affectée par Mariana!»

«Je suis affectée par Mariana!»

Je viens d’un pays très beau, merveilleux. Je viens du Brésil, un pays où l’on parle portugais, le pays de la Coupe du monde, des Jeux olympiques. Mais je viens aussi d’un pays qui est en train de vivre un coup contre la démocratie, contre les droits humains, contre le peuple, contre les travailleurs et travailleuses.

Je viens d’un pays qui, avec le Venezuela, possède 800 billions de barils de pétrole, d’un pays qui est une Arabie saoudite. Mais je suis affectée par les barrages, par l’industrie minière, par un système capitaliste, impérialiste et patriarcal. Je suis affectée par Mariana[1]. Je vis à deux heures de l’endroit où Vale, BHP Billiton et Samarco ont tué 20 personnes. Parmi elles, une femme, comme nous qui sommes ici ce soir, enceinte, qui a subi un avortement dans l’avalanche de résidus miniers. Elle a été traînée sur plus de mille mètres et quand elle est arrivée à l’hôpital, elle avait perdu son enfant. Elle n’a pas été reconnue comme une personne ayant perdu un proche.

À Mariana, nous vivons aujourd’hui l’un des pires crimes des dernières années. C’est pourquoi nous souhaitons que vous vous sentiez aussi, toutes et tous, affecté-e-s par les barrages. Car nous payons l’énergie le plus cher au monde, et nous nous demandons : Pourquoi le coût de l’énergie est-il si élevé s’il y a tant de barrages ? Pourquoi ont-ils, pour construire un barrage, pris la vie de notre amie Berta, notre compagne de lutte ?

Une compétition est aujourd’hui en marche dans le monde pour savoir qui des États-Unis et de la Chine sera la grande puissance qui contrôlera les États, la force de travail des travailleurs-euses, les ressources naturelles, nos vies. C’est pour cette raison que nous, les personnes affectées par les barrages du Brésil, nous nous organisons dans tout le pays pour discuter d’un nouveau modèle énergétique pour le Brésil et pour le monde.

Nous souhaitons construire un ordre différent, un autre monde où les hommes et les femmes puissent profiter des fruits de leur travail. Le système le plus corrompu aujourd’hui dans le monde est le système capitaliste, qui ne te donne qu’une partie des fruits de ton travail, alors que le reste est géré par les élites. La tâche qui nous attend est de faire quelque chose pour être à même de survivre et mettre fin à ce système. Au Brésil, nous disons « Patria libre. Venceremos! »

 

Ce texte est la transcription du discours présenté par Soniamara Maranho le 10 août 2016 lors du spectacle « Les peuples et la planète avant le profit! Voix des résistances et des alternatives » à Montréal à l’occasion du Forum social mondial 2016. La présentation est disponible en ligne: https://www.youtube.com/watch?v=XK-jhuJRnHU.

 

Photographie du MAB

Traduction par Éva Mascolo-Fortin

 


Notes

[1] Le 5 novembre 2015, la rupture d’une digue de la mine de Vale-BHP Billiton dans la ville de Mariana, dans l’État de Minas Gerais au Brésil, a libéré 32 millions de mètres cubes de boue et de déchets miniers sur 640 kilomètres. Le désastre de Mariana, véritable catastrophe sociale et écologiste, a inondé plusieurs villages et tué 20 personnes.

Soniamara Maranho
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Soniamara Maranho, paysanne, pédagogue et militante, fait partie de la coordination nationale du Movimento dos Atingidos por Barragens (MAB) au Brésil.