Nous, les invisibles,
ceux du masque qui cache l’exploitation,
ceux de cinq heures du matin,
ceux de la journée de quatorze heures
esclaves de la sueur,
travailleurs des ateliers de misère,
sweatshop workers
travailleurs aussi de la campagne,
de la campagne devenue usine.
Contrat de vie à moitié,
privilège du propriétaire
Nous, qui sur le dos portons
un système qui nous efface le visage,
mais qui a besoin de nos mains.
Les mains de la femme qui emballe la viande!
Les mains d’une femme qui porte ses propres enfants et ceux d’autrui
Et qui ne dort pas!
Des mains d’homme qui chargent des boites de tomates!
et qui prennent soin d’une terre qui ne lui appartient pas.
Des mains, partout des mains,
des mains vieilles, usées,
des mains sans visage,
des mains sans nom
des éclats du Mexique exilé
Anciens guerriers perdus à Montréal
Nous sommes ici
avec notre « spanglfrench »
et nos rêves suspendus
en attente d’un papier qui n’arrive pas.
Nous, les invisibles
nous, les masqués au visage effacé
face voilée
Nous qui crions anonymes
Et le bruit de fond de la machine
trac, trac, trac
crie la machine
Et je ne peux pas la faire taire,
car sans papiers
ma voix ne résonne pas.
Ma voix
Ne résonne pas
Moi, aigle, moi jaguar
moi colibri
moi homme, moi femme
je marche dans la ville
et je rêve
que tu voies mon visage.
Illustration de Jenny Galewski
Traduction de Jorge Parra
Inti Barrios
INTI BARRIOS est une actrice, scénariste, animatrice de radio et conteuse d’origine mexicaine, qui a passé cinq ans à Montréal. Son travail créatif est lié au travail des organisations sociales et des droits humains. Elle travaille actuellement à Radio Huayacocotla, La Voz Campesina, à la fois dans la production de programmes et dans le travail de la voix avec les animateurs.trices.