Chant de la terre irradiée

Je suis la montagne blessée,
la forêt érodée;
La rivière qui ne fait que chanter l’histoire
des enfants qui jadis,
se sont baignés en elle.

Je suis la mère qui voit ses enfants divisés,
qui rêve qu’un jour,
comme avant,
tout ceci soit comme autrefois :

Un village… La fête!
La minga[1] et le tequio[2],
le cœur ouvert
et la nourriture partagée.

Colline, montagne, forêt,
une rivière pleine de vie.
Un lieu libre de la malédiction de l’or,
du cuivre, de l’uranium.
Notre maison sans saveur métallique,
ni convoitise étrangère.
Je suis la terre qui crache le sang
de ses enfants malades,
Qui crie l’histoire
de mille peuples fracturés
par le mot avarice.

Je suis la terre irradiée,
extraite, violée.
Je suis la terre mi-née.

Je suis la Nature, dans son ensemble, qui crie :
« Que vous n’êtes pas bienvenus! »

Dans cette maison,
dans ce ventre sacré,
il n’y a de place que pour l’espoir.

Ce n’est pas votre maison, messieurs aux doubles visages.
Cette maison est celle de Balam[3];
Une cape de plumes et un nid d’eau
C’est le tiède refuge des fourmis,
la calebasse fraîche pour conserver la pluie
et le nid des oiseaux migrateurs.
Je chante ici, aujourd’hui, moi :
la Tonantzin[4], la Pachamama,
le berceau, le nombril de la terre;
le jeu des enfants
et la tresse de la grand-mère.

Moi, la femme du peuple,
l’eau qui alimente et
non pas le venin mortel
qu’apportent vos langues sales
et vos cœurs morts.

Moi, Tonantzin,
la femme, celle du ventre et des semences;
celle du panier de fleurs,
je chanterai l’histoire des mains
qui s’unissent et résistent.

Je chanterai encore une fois,
jusqu’à ce que
cette maison redevienne celle du cerf,
du jaguar
et que les enfants retournent jouer à la rivière.

 

* Écrit pour la manifestation contre l’extraction minière à ciel ouvert, ayant eu lieu lundi 23 mai 2011 à Montréal, Canada. Revisité pour le Tribunal Permanent des Peuples sur l’industrie minière qui s’est tenu en juin 2014 à Montréal, Canada.

 


Notes de la traductrice :
[1] Le terme minga désigne des travaux collectifs ou corvée en groupe.
[2] Tequio représente le concept de travail collectif, auquel chaque membre d’une communauté doit participer
[3] Balam signifie jaguar en langue Maya
[4] Déesse-mère

Inti Barrios
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INTI BARRIOS est une actrice, scénariste, animatrice de radio et conteuse d’origine mexicaine, qui a passé cinq ans à Montréal. Son travail créatif est lié au travail des organisations sociales et des droits humains. Elle travaille actuellement à Radio Huayacocotla, La Voz Campesina, à la fois dans la production de programmes et dans le travail de la voix avec les animateurs.trices.