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Ayotzinapa, la transnationalisation d’un mouvement social

Dans la nuit du 26 septembre 2014, à Iguala, dans l’État du Guerrero, au Mexique, 6 personnes ont été assassinées, 23 blessées et 43 étudiants de l’École normale rurale Raúl Isidro Burgos d’Ayotzinapa, une école d’éducation populaire paysanne, sont disparus. Les événements se sont déroulés lors d’une levée de fonds organisée afin de pouvoir se rendre à la capitale, Mexico D.F., pour la commémoration annuelle d’une tuerie d’étudiants commise par l’armée mexicaine le 2 octobre 1968, à Tlatelolco. L’objectif était de chercher des alliances auprès du mouvement étudiant national afin d’exiger la justice et l’élucidation de l’assassinat de deux compagnons aux mains de la police d’État en décembre 2012. Le groupe criminel Guerreros Unidos a tout d’abord été accusé d’être l’auteur de ces crimes, en complicité avec la police municipale. Peu à peu, grâce à la constante mobilisation de militant.e.s et des familles des étudiants disparus, nous savons maintenant que les trois instances gouvernementales, soit municipale, étatique et fédérale, étaient impliquées et que l’armée est, sans aucun doute, responsable des événements.

La disparition forcée des étudiants a suscité une des plus grandes mobilisations dans l’histoire récente du Mexique. C’est l’État qui est dénoncé et qui est accusé d’être le responsable de la disparition forcée des 43 jeunes. Avec un slogan généralisé « Ils les ont emmenés vivants, nous les voulons vivants! », la première Journée d’action globale pour Ayotzinapa s’est déroulée le 22 octobre 2014, au cours de laquelle ont eu lieu des manifestations dans plus de 100 villes à travers le monde. Une journée d’action a été instaurée à chaque 26 du mois afin de commémorer la disparition forcée et d’agir en tant que symbole de protestation pour rendre visible les nombreux cas d’impunité, de violence et de corruption commis au Mexique en complicité avec le gouvernement. Ces appels à l’action au niveau national et international ont contribué à la formation de réseaux internationaux de militant.e.s.

Ce texte se concentre sur la particularité du mouvement social d’Ayotzinapa, non seulement en tant qu’élément déclencheur, mais également pour son envergure internationale, ce qui n’était arrivé pour aucun mouvement social au Mexique depuis le soulèvement zapatiste. Dans plusieurs villes du monde, on a pu observer comment la catharsis collective d’un « C’est assez! » s’est progressivement articulée autour de la formulation de pétitions concrètes en matière de politique étrangère et de relations bilatérales en lien avec la grave crise de droits humains que traverse le Mexique.

Ayotzinapa, une lutte à caractère global?

Échos globaux d’une protestation physique et virtuelle

Depuis 2006, on compte, au Mexique, plus de 100 000 morts, plus de 250 000 déplacements forcés et plus de 26 000 disparus comme conséquence de ladite Guerre contre le narcotrafic à laquelle le gouvernement de Peña Nieto a donné suite. Depuis le début de son mandat en 2012, 13 personnes disparaissent chaque jour. De plus, le rapport de Juan Méndez, Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, publié en décembre 2014, a dénoncé la torture comme pratique généralisée dans le système judiciaire mexicain. Lors de sa visite au Mexique en octobre 2015, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits humains, Zeid Ra’ad Al Hussein, a affirmé qu’il existe dans ce pays un taux d’impunité de 98% et que pour la majorité des crimes, aucune enquête n’est menée. De plus, de nombreux défenseur.e.s de droits humains et journalistes ont été assassinés ou ont été victimes de disparitions forcées. Selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), le Mexique est le pays le plus dangereux d’Amérique latine en ce qui a trait à l’exercice du journalisme. On compte également des cas d’exécutions extrajudiciaires comme ceux de Tlatlaya en juin 2014 alors que l’armée a exécuté 22 personnes. Après les événements d’Ayotzinapa, l’armée a été responsable d’au moins trois autres épisodes d’exécutions extrajudiciaires, à Apatzingán, Tanhuato et Ostula. Ayotzinapa a réveillé l’indignation et ces cas et plusieurs autres s’ajoutent chaque jour à la liste de crimes commis en collusion avec le gouvernement mexicain. L’impact au niveau national de la disparition des 43 étudiants s’est rapidement répandu à travers les réseaux internationaux qui ont utilisé autant les médias de communication traditionnels qui ont repris le sujet de façon critique, que les médias non conventionnels, comme les réseaux sociaux. Par exemple, sur Facebook et Twitter, un des hashtags en lien avec la protestation, #yamecansé, a été le sujet tendance (trending topic) au Mexique pendant plus de 60 jours. Avec Ayotzinapa, l’image et la popularité internationale de Peña Nieto ont considérablement diminuées.

La vérité historique et la mobilisation sociale

Le 28 janvier 2015, lors d’une conférence de presse, le procureur en poste à ce moment-là, Jésus Murillo Karam, a assuré, sans aucune preuve scientifique majeure autre que la confession obtenue sous la torture de deux supposés narcotrafiquants, que les 43 étudiants auraient été brûlés vifs – par uniquement trois individus – dans un dépotoir municipal de Cocula (à 30 kilomètres d’Iguala) et que leurs restes auraient été jetés dans la rivière San Juan. Avec cette version des faits qui se tient à peine et qui a été appelée la Vérité historique, l’État a essayé de fermer officiellement le dossier. Des experts et des scientifiques de plusieurs universités, entre autres de l’Universidad Nacional Autónoma de México (UNAM), soutiennent que les conditions météorologiques cette nuit-là (il pleuvait à Cocula) et d’incinération à l’air libre (plus de 1000° centigrades seraient nécessaires) rendent invraisemblable la version donnée par le Procureur. De plus, près d’un an après les événements, soit le 6 septembre 2015, le Groupe interdisciplinaire d’experts indépendants (GIEI), désigné par la Commission interaméricaine des droits humains, a démenti cette version et a mis en évidence la destruction de preuves par le Procureur général, la déformation délibérée des déclarations de témoins et l’omission d’informations de haute importance pour élucider le cas.
À un an de la disparition forcée, la mobilisation sociale continue de réclamer la justice, l’élucidation des faits et l’apparition en vie des étudiants, dans un contexte de violence généralisée et d’impunité. Face à cette vague de violence déclenchée en 2006 par ladite Guerre contre le narcotrafic, les organismes internationaux de défense des droits humains l’ont dénoncée comme étant une stratégie de criminalisation de la protestation sociale. Pour la première fois depuis l’insurrection zapatiste du 1er janvier 1994, des membres de la communauté internationale se sont indignés de façon massive afin de dénoncer les violations répétées des droits humains ayant lieu dans le pays. Dans plus de 50 pays, des actions de différentes caractéristiques et ampleurs se sont organisées. En Bolivie, plus de 3000 personnes ont marché le 20 novembre 2014 afin de dénoncer les événements d’Ayotzinapa et l’Universidad Mayor San Andrés s’est également unie à l’arrêt de travail convoqué par le Mexique. Au Macchu Picchu et à la Muraille de Chine, des touristes se sont pris en photo avec des pancartes qui réclamaient l’apparition en vie des étudiants. À Berlin, des militant.e.s ont occupé l’ambassade du Mexique pendant 43 heures afin d’empêcher la réalisation des festivités prévues les 1er et 2 novembre. La majorité des représentations consulaires du Mexique à travers le monde ont fait face à des manifestations à l’extérieur de leurs bureaux.

Dans le cadre du Premier festival mondial des résistances et rebellions contre le capitalisme (du 22 décembre 2014 au 3 janvier 2015), s’inspirant de cet élan de revendication pour la justice au niveau international et soutenus par des organisations de base de différents pays, le Conseil national autochtone, les parents des étudiants disparus et le réseau de solidarité de la Sexta Zapatista ont décidé de sortir du pays pour partager sur les cas d’impunité au Mexique. La revendication principale était l’apparition en vie des 43 étudiants, mais ils avaient également comme objectif de dénoncer les disparitions forcées en général et l’impunité des instances du gouvernement. Au cours du premier semestre de 2015, quatre caravanes ont été organisées, deux en Amérique du Nord, une en Amérique du Sud et une autre en Europe.

Malgré le fait que le Conseil national autochtone était à l’origine de ces caravanes, le discours diffusé dans les différents pays n’était pas celui d’une lutte autochtone mondialisée, mais plutôt celui d’une lutte de tou.te.s les citoyen.ne.s du monde contre les gouvernements commettant des crimes contre leur peuple. À Paris, les membres de la caravane ont affirmé que l’idée de la caravane européenne était d’unir les forces pour la lutte qui se vit dans différents pays du monde. Lors de cette rencontre, des collectifs contre la violence policière et les membres de la caravane ont reconnu, malgré la distance et les différents contextes, une même cause et une même lutte. Ainsi, l’organisation de la caravane à Paris s’est faite en coordination avec plusieurs collectifs impliqués dans la lutte zapatiste, mais également dans plusieurs luttes contre les différentes formes de répression de l’État.

À Montréal, la visite de la caravane a obtenu une forte présence médiatique. Au-delà de la fraternité des luttes, même si celle-ci était toujours présente en toile de fond, l’énergie s’est concentrée sur la dénonciation publique et massive des graves violations des droits humains et sur les plaidoyers auprès des gouvernements, autant au niveau provincial que fédéral. De multiples acteurs et groupes ont organisé des actions, allant de performances jusqu’aux manifestations, en passant par l’élaboration de murales collectives et la dénonciation soutenue dans la presse et dans les réseaux sociaux.

De plus, pour la première fois dans l’histoire du Mexique, des citoyens expatriés se sont organisés pour faire des réclamations publiques sur la politique étrangère de leur pays de résidence au Mexique. Leurs revendications ont eu beaucoup d’échos dans certains pays comme la France et ont même été discutées au parlement, comme ce fut le cas en Allemagne, où la députée Heike Hänsel du Parti de gauche est allée dans l’État du Guerrero afin de s’informer en personne de la situation auprès des personnes affectées. À son retour, elle a maintenu un débat parlementaire avec Michael Roth, représentant du Ministère fédéral des relations extérieures, concernant la coopération avec le Mexique et la vente d’armes à ce pays. On sait maintenant que les armes utilisées lors du massacre des étudiants qui a eu lieu au cours de la nuit, à Iguala, étaient de fabrication allemande et qu’elles étaient supposément destinées à l’usage exclusif de l’armée. Au Parlement européen, à l’initiative de la Gauche unie (Partido Izquierda Unida) et du Parti vert européen, les témoignages de Bernabé Abraham Gaspar et de Hilda Legideño Vargas, parents d’étudiants disparus, ont été présentés et ils ont pu exposer toutes les irrégularités présentes dans le traitement du cas. Au Québec, le député Amir Khadir, du parti Québec Solidaire, a non seulement reçu personnellement la délégation d’Ayotzinapa, mais a également présenté une motion à l’Assemblée nationale du Québec, acceptée à l’unanimité, afin d’exprimer sa préoccupation face aux événements et afin d’inciter le gouvernement mexicain à établir la vérité à travers une enquête transparente et indépendante. Au niveau du Canada, le Sous-comité parlementaire sur les droits de la personne et le développement international a reçu la délégation mexicaine afin d’écouter ses revendications.

Le cas d’Ayotzinapa dans la politique extérieure mexicaine : un oubli stratégique

Un pacte global d’impunité : les réformes de Peña Nieto

Malgré la critique nationale et internationale, le militantisme de milliers de personnes et l’indignation et le ras-le-bol d’une grande partie de la population mexicaine, le système même d’impunité régit le Mexique. Si dans la presse internationale on est passé du « Mexican moment »[1] au « Mexican murder », l’ouverture à l’investissement étranger en énergie et en pétrochimie (en annulant l’exclusivité d’exploitation comme principe de la Constitution mexicaine) et d’importantes réformes en matière de santé et d’éducation qui vont vers une privatisation des services semblent avoir cristallisé ce « moment ». En effet, il semblerait que cette ouverture sans réserve du marché a garanti à Peña Nieto l’impunité en matière de violations des droits humains. De plus, la seule clause que s’était réservé le gouvernement mexicain face aux États-Unis et au Canada lors de la signature de l’ALÉNA en 1992 était l’exclusivité sur la propriété des biens et dans les activités et investissements dans les secteurs du pétrole, du gaz, de la raffinerie, des produits pétrochimiques de base, de l’énergie nucléaire et de l’électricité, excluant ainsi ces matières de l’ALÉNA.
Malgré les mobilisations massives dans plusieurs régions du Mexique et du monde et face à l’évidence des disparitions forcées (lors de la recherche des étudiants, plus de 60 fosses communes clandestines, contenant 129 cadavres, ont été découvertes dans l’État du Guerrero), aucun État ne s’est prononcé officiellement pour dénoncer sur ce qui se passait au Mexique ou pour exhorter le gouvernement mexicain à élucider les faits et à garantir l’accès à la justice pour les personnes affectées.

L’intérêt économique derrière Ayotzinapa

Il est clair que le traitement qu’a donné le gouvernement au cas d’Ayotzinapa va au-delà de la simple impunité et collusion du crime organisé avec les instances du gouvernement (municipal, étatique et fédéral). Il existe également des intérêts économiques qui empêchent de faire la lumière sur toutes les magouilles politiques, économiques et commerciales qui expliqueraient l’acharnement avec lequel ont été attaqués les étudiants de l’École normale rurale (Julio César Mondragón, un des étudiants les plus engagés, a été assassiné dans la nuit à Iguala et son corps est réapparu décapité le matin du 27 septembre). D’une part, on retrouve sans aucun doute le commerce rentable du narcotrafic. Le trafic d’opium dans la région est un des plus importants d’Amérique latine et exporte presque la moitié de l’héroïne consommée aux États-Unis. Le travail collaboratif entre la chaîne de production de stupéfiants, les corps policiers, l’armée et les autorités locales, régionales, avec le consentement des autorités nationales, a été longuement documenté par des journalistes comme Anabel Hernández (Proceso). D’autre part, dans la même région de Tierra Caliente, à moins de 200 kilomètres d’Ayotzinapa, en plus du narcotrafic, on retrouve Los Filos, concédée à la minière canadienne GoldCorp, qui a dû affronter l’opposition des peuples autochtones et des communautés organisées de la région. Le début des opérations de la mine était prévu pour la fin de l’année 2014, à peine quelques mois après la disparition des étudiants.

Bien qu’il est vrai qu’il n’existe aucune ligne de dénonciation qui relie la disparition forcée des 43 jeunes à l’activité de la mine, il est également vrai que la présence de celle-ci ne contribue pas à élucider les événements et que la disparition des étudiants a servi de distraction pour éviter qu’augmente l’opposition au début des opérations, de ce que certains annoncent comme étant une des plus grandes exploitations d’or au monde dans les prochains 200 ans. En même temps, l’important capital canadien qui est en jeu dans la région contribue sûrement au fait que le gouvernement de Stephen Harper ait décidé de ne pas se prononcer sur ces crimes, considérés par certains comme des crimes contre l’humanité, qui ont lieu à près de 200 kilomètres de la concession minière. Rien d’étonnant, le gouvernement conservateur a annoncé en 2009 que le développement de l’industrie minière est un secteur stratégique pour le développement économique du Canada. Au moment d’écrire ces lignes, malgré la motion adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale du Québec en avril passé pour exhorter le Mexique à faire la lumière sur les événements d’Ayotzinapa, le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, se trouvait au Mexique et a annoncé que le Québec investira 2 milliards de dollars dans le pays au cours des 5 prochaines années, faisant du Mexique son principal partenaire commercial en Amérique latine. Lors de sa visite, il n’a fait aucune allusion à la grave crise de droits humains ni à l’alarmant taux d’impunité qui règnent au Mexique, dénoncés à peine une semaine plus tôt par le Haut-Commissaire aux droits humains de l’ONU lors de sa visite au pays.

Le respect des droits humains au Mexique ou le cynisme international

Tout comme le Canada et le Québec, d’autres exemples démontrent que certains pays occidentaux qui soutiennent dans leur discours que le respect des droits humains est une condition sine qua non pour établir des relations commerciales et qui, dans les faits, ne le prennent pas en compte, notamment la France et les États-Unis. En janvier 2015, Enrique Peña Nieto et Barack Obama se sont rencontrés à la Maison Blanche où ils ont abordé les sujets de sécurité, d’immigration, de croissance économique et les relations de chacun avec Cuba, mais où le sujet de la crise de droits humains au Mexique n’a pas été abordé. Et ce, malgré le fait que John Kerry, le secrétaire d’État, avait reçu à la fin novembre une lettre signée par 14 sénateurs républicains qui exprimaient leur préoccupation pour les 43 étudiants et les plus de 26 000 personnes disparues au Mexique et qui invitaient le gouvernement états-unien à prendre position face à son partenaire commercial. Quant à la France, elle a reçu en tant qu’invité d’honneur Enrique Peña Nieto afin de commémorer la naissance de la tradition en matière de droits humains revendiquée par la République française, la Prise de la Bastille, et a profité de l’occasion pour signer plus de 60 accords de collaboration en moins de 3 jours.

Les organisations multilatérales, quant à elles, n’ont pas été très cohérentes non plus. Le jour même de l’anniversaire de la disparition des étudiants, soit les 26 et 27 septembre 2015, Enrique Peña Nieto a participé au 70e anniversaire de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies, où il a présidé le premier segment du Sommet sur l’équité de genre de l’ONU (alors que le Mexique traverse également une grave crise de féminicides à laquelle on n’a pas fait allusion dans cette rencontre). Durant l’Assemblée générale, le président du Mexique a vanté le multilatéralisme et a souligné les responsabilités qu’assume le pays en faisant partie du Conseil des droits humains de l’ONU pour la période 2014-2016. Aucun représentant d’aucune instance ne l’a questionné publiquement sur la situation au Mexique.

Ayotzinapa, un an après, mémoire sans justice

Un an s’est déjà écoulé depuis les événements de la nuit d’Iguala. La situation dans le pays n’a pas changé, le taux d’impunité s’est maintenu et les corps policiers et les autres instances du gouvernement continuent d’agir en collusion avec le crime organisé. Les étudiants ne sont toujours pas de retour. Deux militants qui cherchaient les étudiants parmi les plus de 60 fosses communes trouvées au Guerrero suite aux événements d’Iguala ont été assassinés. La démission du gouverneur de l’État de Guerrero et la destitution du Procureur de la République ont démontré l’envergure et la gravité du cas. Malheureusement, ce changement n’est pas structurel, ce qui explique l’impasse au niveau des droits humains, et bien entendu, le manque d’accès à la justice. Nous ne pouvons pas dire que le bilan est positif, par contre, le cas n’est toujours pas fermé. Les mobilisations qui se sont générées à partir de ces disparitions forcées ont néanmoins réussi à ébranler les structures, et plusieurs continuent à le faire. D’une part, la situation que traverse le pays a été rendue publique et il a été mis en évidence que la transition à la démocratie mexicaine tant mentionnée à la fin des années 1990 ne s’est pas concrétisée. Au contraire, la crise de crédibilité des institutions est maintenant visible. Cela affecte l’image internationale du Mexique, que seuls les intérêts économiques réussissent à masquer. Les mobilisations ont également permis des rapprochements et des alliances solidaires avec d’autres luttes au niveau international, solidifiant ainsi les structures de collaboration qui construisent un mouvement à long terme pour la défense des causes communes. Ces réseaux, tissés par la mémoire, continuent de résister à l’oubli imposé par l’État.

En attendant, nous continuons de marcher afin que justice soit faite et parce que ¡Vivos se los llevaron y vivos los queremos! (Ils les ont emmenés vivants et vivants nous les voulons!)

 

Photo : Murale « No están solos » (Ils ne sont pas seuls), Montréal, décembre 2014, Adriana Pozos, 2014.

Traduction : Amelia Orellana

 


Notes

[1] Dû aux importantes réformes de style néolibéral entreprises par le gouvernement de Peña Nieto, au niveau de l’éducation, des règlements d’impôts et de l’exploitation d’hydrocarbures.

Adriana Pozos Barcelata
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Sofía Ramos Díaz
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Sofía Ramos Díaz est une étudiante mexicaine à la maîtrise en Affaires Urbaines à l’Institut d’Études Politiques de Paris. Elle s’intéresse à la participation citoyenne dans la création de la ville, tout en restant engagée pour le respect des droits humains.