Temps de porcelaine

verglas
bourrasque
dégel de mort nette

petit manteau
panique polie
devant les assainisseurs

bouffée de chaleur
sous les tissus synthétiques
ignorer les chairs

 

salutations hors d’usage
tendresse suspendue
mains suspectes
plexiglass

regard étroit   légal
vos agonies dans nos angles morts

nous sommes des bons candidats au naufrage

nous arpentons les heures
hébétés
surpris de la survivance
nous attendons
des étreintes improbables

 

temps de porcelaine

insomnie
suspendre les alarmes
saccager ce qui clignote

tenir à distance
nos parents
nos neveux neufs
nos impatiences

 

il en pleut des cailloux
sur nos têtes de faïence

le printemps précipite
le choc des espèces

les nombres nous ignorent

prisonniers de la courbe
nous scrutons la crainte
nouvel horizon
les sapins presque noirs

 

temps de porcelaine

Pâques redevient un festin
qui nous échappe
une autre assiette qui se casse

au-dessus du lavabo
une prière épinglée

conjurer le sort
la disette
vos dires

espoirs ébréchés
drapeaux rouges
aux fenêtres solitude

ailes séchées
allumettes

retenir son souffle
rester doux avec les branches   les nôtres

 

temps de porcelaine

tendresse vivace

chercher la suite
entre les bourgeons
les pierres

croire encore
dans le corps
le ralentissement général

ce qui fait retour
en même temps que l’eau

Joëlle Gauvin-Racine
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Joëlle Gauvin-Racine a grandi à Québec, où elle a étudié en anthropologie. Sa trajectoire a été marquée par son implication dans des luttes écologistes et par des séjours au Mexique, où elle a côtoyé des communautés autochtones en résistance dont la dignité et la vision du monde l’ont grandement inspirée. Depuis cinq ans, elle vit et crée sur une terre dans la région de L’Islet. En 2018, elle a été finaliste du prix de poésie Geneviève-Amyot.