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Conséquences de la pandémie de COVID-19 dans la ré...

Conséquences de la pandémie de COVID-19 dans la région minière de Zacatlán, Puebla (Mexique)

Les répercussions de la pandémie de COVID-19 ont déjà commencé à altérer la santé humaine et l’économie de ménages, d’entreprises et de régions entières. La région minière et touristique du Zacatlán, reconnue entre autres comme « destination la plus hospitalière du pays et meilleur village enchanteur pour une expérience culinaire au Mexique », n’est pas épargnée de cette réalité. En date du 22 octobre 2020 [1], sur une population totale de 87 692 habitant·e·s, 261 cas positifs et 33 décès liés à la COVID-19 y avaient été confirmés. Bien que les effets de la pandémie sur la santé physique des habitant·e·s du Zacatlán peuvent être observés de manière immédiate, les répercussions à moyen et long terme sur les activités économiques sont tout aussi diverses que profondes, du fait de la présence d’activités extractives en expansion sur le territoire dont les effets socioenvironnementaux se faisaient déjà sentir avant la pandémie. Exacerbées par les effets néfastes de l’extractivisme, les répercussions de la COVID-19 représentent un défi de recomposition structurelle pour le gouvernement, les entreprises et la société elle-même [2], comme le montrent les témoignages recueillis de cinq entrepreneur·e·s de la région.

Zacatlán, une beauté naturelle indigène menacée par les impacts de l’extractivisme

Zacatlán de las Manzanas est localisée dans la Sierra Norte de l’État de Puebla. Elle fut nommée en 2011 Pueblo Mágico (village enchanteur), une distinction spéciale octroyée par le gouvernement mexicain aux lieux touristiques les plus emblématiques du pays. Sa beauté écologique est accompagnée de sa splendeur architectonique, d’un foisonnement religieux, culturel, historique, gastronomique, et d’une diversité d’environnements permettant de recevoir plus de cinq cent mille touristes par an en moyenne [3]. En parallèle aux activités économiques centrées sur le tourisme, l’activité extractive de la mine à ciel ouvert dans la région nord-ouest de la municipalité de Zacatlán dure depuis près de 60 ans. Elle s’étend sur plus de dix zones exploitées principalement par deux entreprises aux capitaux belge et italien et une d’origine nationale qui concentrent leur activité sur la transformation de sables feldspathiques et de silicates pour l’industrie céramique [4].

Comme le soulignent Sanchez et Ortiz [5], aucune activité industrielle n’est aussi agressive environnementalement, socialement et culturellement que l’industrie minière à ciel ouvert. Il n’est plus à démontrer que l’extractivisme provoque d’immenses impacts environnementaux, parmi lesquels on retrouve des dommages à la surface de la terre, la pollution de l’air, la destruction de la croûte terrestre, la pollution des eaux de surfaces et souterraines, l’incidence sur la flore et la faune. Ainsi, l’altération de la morphologie locale est une conséquence ressentie de l’extractivisme à Puebla : la forme, la composition et la structure du sol de Zacatlán sont intimement liées à la santé des montagnes environnantes, dont proviennent les éléments nourriciers abondants tels des matières organiques, nommément l’azote, qui se détachent de la vigoureuse masse forestière qui s’y trouve.

Les mines se situent en altitude et ont un impact direct différent sur les communautés selon leur emplacement. Les localités situées en « zone haute » bénéficient d’une situation géographique avantageuse : la forêt de nuages qui prédomine la majeure partie de l’année permet une alimentation continuelle en eau. Toutefois, pour les habitant·e·s des communautés de basse altitude, trois conséquences de l’activité minière et de la surexploitation forestière qui l’accompagne ont été identifiées : la diminution de l’eau destinée à la consommation humaine, l’impact climatique, avec la perte de flore et de faune sauvages qui en résulte, et un impact économique négatif résultant de la dégradation des matières premières nécessaires à la fabrication d’artisanat. Autrement dit, en amont de la pandémie, les communautés de Zacatlán étaient déjà exposées à trois types d’impacts liés à la présence des mines : sur la santé, sur l’écologie et sur l’économie.

Effets synergiques néfastes de la pandémie et de l’extractivisme sur la vitalité socioéconomique à Zacatlán

Les préoccupations concernant l’activité des mines s’ajoutent à celles des répercussions socioéconomiques entraînées par la COVID-19, perçues comme des conséquences à la chaîne, du fait que les différentes activités productives de la région dépendent justement de sa santé environnementale. Après 300 jours de pandémie, la santé n’est plus la préoccupation centrale à Zacatlán : à la fin de l’année 2020, avoir un revenu devient la priorité, ce qui inspire de nouveaux modèles commerciaux, de structure productive et d’intégration régionale de l’économie [6]. Par exemple, l’effet de la pandémie et du confinement sur l’activité touristique a été tel que la vente d’artisanat a dû être abandonnée, donnant lieu à une recherche d’alternatives dans l’auto-emploi, et le développement d’emplois alternatifs qui complètent le revenu familial comme l’activité associée à l’exploitation forestière. Or, ce type de renouveau entrepreneurial est limité par la contamination engendrée par l’activité minière, comme l’explique Madame Delfina Barrios Becerra, à la tête d’une entreprise d’artisanat de Zacatlán :

« Les répercussions de la pandémie ont été démesurées, nous ne vendons plus […] il vaut mieux que je me dédie à autre chose […] en ce moment je lance un commerce d’alimentation, je pense qu’après la pandémie les ventes resteront faibles, pour la majorité de la communauté, il vaut mieux que nous nous engagions dans l’activité sylvicole, mais les mines nous affectent parce que nos arbres sont petits et avec leurs laveuses, les vents dispersent des particules qui couvrent le sol et les petites plantes […] quand leurs réserves d’eau sont déversées elles emportent beaucoup de sable fin de leurs déchets et cela a une incidence sur les terres. Nous nous sommes manifestés auprès de la municipalité et ils ne nous ont jamais écouté […] aujourd’hui nous nous préoccupons davantage de ce que nous allons manger que de la maladie ».

La présence des mines entraîne des changements dans le paysage qui sont associés à la modification et à la diminution de leurs composantes naturelles dans la zone d’exploitation [7]. À Zacatlán, les activités sylvicoles affectées par les conditions climatiques sont l’artisanat d’ocoxal et de bois, l’élevage de truite et la croissance de la fruiticulture, particulièrement de la myrtille et de la pomme, bien qu’en plus de cela on compte également la culture d’avocat, de prune, de pêche et de poire.

Madame Leticia Amador, associée dans l’élevage de truites panhueya s’est exprimée ainsi sur les liens entre les impacts engendrés par la pandémie sur son entreprise et la façon dont l’activité minière contribue aussi à menacer son existence :

« La pandémie nous a largement touchés, nous avons fermé durant une saison et l’absence de tourisme a fait baisser les ventes […] le flux d’eau diminue chaque année et parfois cela est très drastique ; par exemple, d’il y a un an à la date d’aujourd’hui, il a baissé de moitié du fait de l’abattage des arbres qui est lié aux mines et l’abattage clandestin […] nous ne sentons pas que c’est de l’eau contaminée, nous la buvons, mais peut-être que cela a à voir avec la quantité d’eau que nous buvons chaque année ».

L’argument de la diminution du volume de sortie d’eau de source est alarmant. À la recherche de précisions concernant cet argument, nous avons fait appel à l’associé Humberto Cruz de la coopérative de truites Tinixtioca, qui raconte :

« Du fait de la pandémie, on ne peut pas vendre, seulement à l’état brut puisqu’il n’y a pas de ressources. Nous avons servi peu de clients et nous dépensons davantage en ustensiles sanitaires comme les masques, le gel, les désinfectants, nous espérons que les choses vont s’améliorer, car il n’y a pas d’argent pour couvrir les dépenses […] les mines et l’abattage des arbres ont provoqué une diminution de l’eau, ils creusent profondément et l’eau est déviée, là où ils doivent creuser ils abattent les arbres et l’eau se raréfie. Les pluies nous aident à remplir les sources, mais le flux d’eau qui alimente les truites est chaque fois plus faible ».

Monsieur Humberto Ordónez du Ranch Tecuanaquito de la localité de Ayotla, se dédiant à la production de pulque pour la vente nationale et d’exportation, reconnaît que « les mines sont des entreprises transnationales et qu’elles sont bien stabilisées, elles génèrent des emplois […] mais cela nous affecte, à nous qui dépendons des ressources de la zone ». Selon Humberto :

« La pandémie a tout ralenti et la commercialisation pour l’exportation est devenue très difficile, le marché s’est arrêté ainsi que notre activité et notre travail, nous avons vendu le pulque en vrac ; c’est-à-dire pour la consommation directe, mais tout le reste a été entreposé […] Sinon, nous avons commercialisé des intrants agricoles comme activité secondaire à la suite de la pandémie. J’espère que prochainement cela va se débloquer parce que nous n’en pouvons plus, il est urgent de commencer à activer la promotion du soutien aux entreprises des pueblos mágicos ».

L’expansion de la région minière aggrave la crise économique engendrée par la COVID-19

La région minière n’offre pas seulement des conditions climatiques pour le développement d’activités économiques du secteur primaire, c’est aussi un espace d’attraction touristique. Or, à mesure que les mines étendent leur rayon d’action, les effets ravageurs sur la nature sont davantage perceptibles. Bien que l’activité minière soit implantée depuis plus de 60 ans, seules cinq zones d’exploitation étaient visibles en 1973 , tandis qu’en 2020, on peut identifier plus de 10 lieux dans lesquels les entreprises minières intensifient leurs activités.

L’environnement naturel entourant Zacatlán a été traditionnellement exploité par des entreprises touristiques locales pour lancer des initiatives d’attraction de visiteurs. La zone des cascades de Tulimán compte parmi les lieux touristiques les plus emblématiques avec sa chute d’eau d’une hauteur de 300 mètres, la deuxième plus élevée au pays. Claudia Aguilar Morales, la responsable du marketing et des ventes de la zone a commenté sur les signes de détérioration de l’environnement causés par l’extractivisme et qui menacent l’activité économique déjà précarisée par la crise sanitaire :

« La pandémie a eu des répercussions sur l’afflux de tourisme, ainsi que sur la communauté, car les emplois ont été réduits et la détérioration du parc a été évidente […] les mines de sable affectent les ressources, le fleuve, elles ravagent l’environnement, les sons forts causés par les détonations éloignent la faune, tout comme la déforestation affecte l’environnement ».

Étant donné le lien étroit entre la santé environnementale et l’activité économique de la zone, le renouveau économique est freiné dans tous les secteurs d’activité traditionnels par les effets dévastateurs de l’activité minière sur l’intégrité du biome du Zacatlán. Malgré cette situation problématique, il demeure difficile de s’entretenir avec un ou une répondant·e du secteur minier. Il n’a ni été possible de s’entretenir avec des chefs d’entreprise de ce secteur, car il fallait passer par une série de protocoles pour solliciter de l’information sur l’exécution des tâches, ni de trouver de pages officielles des entreprises pour en connaître plus sur leurs activités de manière générale.

Conclusions

La santé et l’économie des ménages ont été bafouées à Zacatlán, où la lutte contre l’ennemi occulte qu’est la COVID-19 fait monter la grogne contre la destruction engendrée par l’extractivisme, qui fragilise le maintien d’un dynamisme économique interne et exacerbe la récession économique.

Il a été documenté que les effets des mines peuvent être atténués au moyen d’une combinaison d’approches destinées à normaliser les processus, les structures et les relations minières avec des politiques et des actions adaptées aux circonstances et basées sur des incitations [8]. Il est fondamental que les petites et moyennes entreprises et le gouvernement se coordonnent, afin de faciliter les mécanismes flexibles de planification, d’utilisation et de projection territoriales de manière solidaire. Malheureusement, les communautés ne sont pas informées des projets miniers ou on les informe mal concernant les intérêts économiques en jeu [9]. Aujourd’hui plus que jamais la gestion intelligente du territoire qui implique de renforcer la relation entre espaces naturels et société, fait partie du défi pour surmonter la crise qui laissera des marques sur trois fronts au moins : la santé, la coopération économique et une nouvelle manière de faire des politiques publiques et sociales.

 

Traduction par Cécile Loriato avec la collaboration de Giulietta Di Mambro

 


Références bibliographiques

Guzmán López, Federico (2016). « Impactos ambientales causados por megaproyectos de minería a cielo abierto en el estado de Zacatecas, México », Revista de Geografía Agrícola, no. 57, p. 7-26.

Ramírez-Ortiz, Jairo, Castro-Quintero, Diego Lerma-Córdoba, Carmen, Yela-Ceballos, Francisco et Escobar-Córdoba, Franklin (2020). « Consecuencias de la pandemia COVID-19 en la salud mental asociadas al aislamiento social », Colombian Journal of Anesthesiology, no. 3, p. 578-594.

Serra Valdes, Miguel Ángel (2020). « Infección respiratoria aguda por COVID-19 : una amenaza evidente », Revista Habanera de Ciencias Médicas, no. 19, p. 1-5.


Notes: 

[1] Gobierno de México (2020). « Covid-19 México », en ligne : https://coronavirus.gob.mx/datos/#DownZCSV (page consulté le 22 octobre 2020).
[2] Organización Internacional del Trabajo-OIT (2020). « El COVID-19 y el mundo del trabajo », en ligne : https://www.ilo.org/global/topics/coronavirus/lang–es/index.htm
[3] Gobierno Municipal de Zacatlán, Puebla (2019). « Informe de la Dirección de Turismo del Municipio de Zacatlán », en ligne : https://zacatlan.gob.mx/ (page consultée en octobre 2020)
[4] Hernández Rodríguez De Lourdes, María et Montalvo Vargas, Ramos (2011). « El sueño incumplido : un estudio sobre la relación entre la minería a cielo abierto y en el abasto de agua en Zacatlán, Puebla », dans Bernal Mendoza, Héctor et Ramírez Valverde, Benito (dir.), Investigación interdisciplinaria para el desarrollo rural en Puebla y Tlaxcala. Puebla : COLPOS.
[5] Sánchez Salinas, Enrique et Ortiz Hernández, Laura (2014). « Escenarios ambientales y sociales de la minería a cielo abierto », Inventio, no. 20, p. 27-34.
[6] CEPAL-Comisión Económica Para América Latina (2020). Los Efectos Económicos y Sociales del COVID-19 en América Latina y el Caribe, Legislando para la recuperación económica frente al COVID-19, 5 juin, en ligne : https://www.cepal.org/sites/default/files/presentation/files/200605_final_presentacion_parlamericasv_alicia_barcena.pdf
[7] Hernández Jatib, Naisma, Ulloa-Carcasés, Mayda, Almaguer-Carmenate, Yuri et Rosario Ferrer, Yiezenia (2014). « Evaluación ambiental asociada a la explotación del yacimiento de materiales de construcción la Inagua, Guantánamo, Cuba », Luna Azul, no. 38, p. 145-158.
[8] Hammond, David, Rosales, Judith et Ouboter, Paul (2013). « Gestión del Impacto de la explotación minera a cielo abierto sobre el Agua Dulce en América Latina », Banco Interamericano de desarollo – BID, mars, en ligne : https://publications.iadb.org/publications/spanish/document/Gesti%C3%B3n-del-impacto-de-la-explotaci%C3%
B3n-minera-a-cielo-abierto-sobre-el-agua-dulce-en-Am%C3%A9rica-Latina.pdf

[9] La Rotta Latorre, Ángela Marcela et Torres Tovar, Mauricio (2017). « Explotación minera y sus impactos ambientales y en salud. El caso de Potosí en Bogotá », Saúde debate, no. 112, p. 77-91.

Ramos Montalvo Vargas
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