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Rencontre des femmes des zones rurales et urbaines : anticapitalistes, anti-impérialistes et anti-patriarcales

Le 25 juin 2016, une cinquantaine de déléguées ont participé à la « Rencontre des femmes des zones rurales et urbaines » (Encuentro de Mujeres del Campo y de la Ciudad) qui avait lieu à La Esperanza, dans une zone où la paysannerie résiste depuis plus d’une décennie au grand projet d’extraction du cuivre Panza-San Carlos (Explorcobres) de la corporation chinoise Tonglong. La rencontre était convoquée à l’initiative du Frente de Mujeres Defensoras de la Pachamama, de Luna Roja, du Frente de Mujeres Guardianas de la Amazonía, Plataforma PachAntiminera, Asociación de Campesinos de Limón Indanza (ACLI), Warmi Ambulante et la Coordinadora Campesina Popular (CCP)1.

La cinquantaine de femmes présentes ont réalisé un Acte symbolique et ont exposé la situation des femmes face au système actuel, abordant les problématiques liées aux villes et celles liées à la campagne. Les femmes des organisations convoquées ont aussi mis en valeur les processus de résistance et d’organisation. Une fois les présentations terminées, des groupes ont travaillé pour établir une plateforme de lutte conjointe et les actions à entreprendre dans le but de déterminer les étapes suivantes dans le processus de convergence des femmes de la campagne et de la ville. En plénière toutes les propositions ont été exposées aux participantes : celles qui ont été validées postérieurement comme des résolutions de la rencontre, et celles qui ont été publiées les jours suivant l’événement.

Résolutions de la Rencontre des femmes des zones rurales et urbaines : anticapitalistes, anti-impérialistes et anti-patriarcales

Nous, les femmes des secteurs populaires de la campagne et de la ville, réunies le 25 juin 2016 à La Esperanza, ayant pour objectif de faire cause commune et de programmer des actions conjointes qui dérivent de l’unification et du développement de la lutte de la femme équatorienne pour son émancipation,

NOUS DÉCLARONS :

Que dans le système actuel capitaliste-impérialiste et patriarcal, les intérêts qui priment sont ceux des groupes de pouvoir nationaux et internationaux qui, dans leur désir de continuer à accumuler de la richesse, violent de façon continue les droits humains, les droits des femmes et la Pachamama (Terre-Mère).

Que la domination et la soumission de la femme font partie intégrante de ce système, la reproduction même du capital reposant sur la double exploitation du travail de la femme, aussi bien dans le domaine de la production sociale (travail rémunéré) que dans le domaine domestique (travail gratuit fait par la femme pour la reproduction de la force de travail).

Que la domination et la soumission de la femme impliquent le contrôle de son corps et son esprit, et donc la subsistance de toutes les formes économiques, sociales, politiques, idéologiques et culturelles de discrimination et de violence par lesquelles s’impose le pouvoir capitaliste et patriarcal.

Que les gouvernements et les États sont au service des groupes de pouvoir, et qu’en ce sens toutes leurs politiques, actions et décisions visent à renforcer des groupes dont les intérêts et besoins sont contraires à ceux des peuples, particulièrement des femmes, des classes et secteurs exploités, et de la Pachamama.

Que le gouvernement équatorien actuel, qui s’emploie à brader les ressources du pays, a démontré être au service des groupes de pouvoir de toujours, et de ceux qui se sont constitués durant les années de régime de l’Alianza País, ainsi que des intérêts de l’impérialisme, notamment chinois.

Que pour imposer ses mesures et politiques contre le peuple, le gouvernement de l’Alianza País a eu recours à la criminalisation de la protestation, à la répression et à la persécution des défenseurs et défenseures des droits humains.

Devant ces faits :

  • Nous revendiquons de pouvoir exercer pleinement nos libertés et nos droits, en tant que femmes des classes populaires qui luttons pour un futur fait de bien-être et d’équité entre les êtres humains en harmonie avec la Pachamama, dans un monde libre des chaînes du capitalisme, de l’impérialisme et du patriarcat.
  • Nous refusons toute forme de violence, de discrimination et d’exploitation des femmes générée par le système actuel afin de soumettre nos corps et nos esprits.
  • De même, nous condamnons toute forme d’agression et de violence contre la Pachamama visant la concentration et de la centralisation du capital au niveau mondial et local.
  • Nous refusons les grands projets miniers et plus particulièrement ceux que le gouvernement actuel définit comme des projets stratégiques : Pananza-San Carlos, Río Blanco, Loma Larga (Quimsacocha), Mirador, Fruta del Norte, ainsi que la nouvelle mise aux enchères du territoire national au profit de l’industrie extractive.
  • Nous exigeons que notre territoire national soit libéré de l’industrie minière, des autres industries extractives et de toute activité violant la Pachamama au bénéfice des corporations nationales, transnationales, privées et étatiques.
  • Nous nous opposons à l’agro-industrie et aux monopoles locaux, nationaux et internationaux qui détruisent les petits et moyens producteurs des zones rurales et affectent particulièrement les activités traditionnellement réalisées par les femmes pour subvenir aux besoins de leur famille.
  • Nous rejetons le gouvernement actuel qui a plongé le pays dans une crise économique et morale au nom d’une supposée « révolution », en adoptant des mesures allant à l’encontre des intérêts du peuple et favorisant les monopoles nationaux et transnationaux, en particulier ceux de la Chine. Cette « révolution » laisse une dette externe qui pèsera non seulement sur les épaules de la génération présente mais aussi sur celles des générations futures, en particulier des femmes des classes populaires.
  • Nous continuerons à dénoncer la criminalisation de la protestation, la répression et la persécution des défenseures et défenseurs des droits humains et de la Pachamama.
  • Nous rejetons la manipulation, le détournement et l’utilisation des luttes populaires à des fins personnelles et de groupe, en particulier lorsque celles-ci émanent de calculs politiques qui profitent des mobilisations et des demandes populaires comme tremplin électoral vers l’obtention de postes d’État lors des élections.

Nous nous engageons à lutter pour :

  • Un monde libre de tout type de violence, discrimination et exploitation envers les femmes et la Pachamama ; un monde où priment les intérêts, besoins et aspirations des travailleurs et travailleuses des zones urbaines et rurales, et où les peuples forment des États et des gouvernements qui répondent à leurs intérêts, besoins et aspirations.
  • Le plein exercice de nos droits et de ceux de la Pachamama.
  • L’élimination définitive de toute forme économique, sociale, politique, idéologique et culturelle de discrimination et violence qui soumet les corps et les esprits des femmes.
  • La valorisation de notre travail, particulièrement du travail domestique non rémunéré que font les femmes de manière gratuite pour la société.
  • La valorisation des savoirs des femmes, ainsi que le droit de produire, diffuser et partager ces savoirs.
  • Des territoires libres d’industries et de monopoles violant les droits humains, les droits des femmes et de la Pachamama ; des territoires sur lesquels le peuple puisse avoir un pouvoir de décision souveraine pour établir un système permettant le bien-être collectif et la coexistence harmonieuse avec la nature.
  • La souveraineté alimentaire et le droit à l’alimentation.
  • Le droit à la santé, y compris à la santé sexuelle et reproductive, et la santé psychologique et émotionnelle.
  • Le droit de vivre dans un environnement sain et équilibré écologiquement, et le droit de protéger la Pachamama pour les générations futures.
  • Une démocratie réelle et directe du peuple, où les décisions sont prises par de larges majorités selon les intérêts, les besoins et les aspirations du peuple et de la Pachamama.

À cette fin, nous décidons de :

  • Continuer à mettre en place des rencontres des femmes urbaines et rurales, ayant pour objectif la réalisation d’une nouvelle rencontre en 2017.
    Réaliser de manière coordonnée des Jornadas 8M Movilízate Mujer, le fruit de la mobilisation qui a eu lieu pour la Journée internationale de la femme travailleuse.
  • Participer à la mobilisation du 1er mai avec le Bloc prolétaire, en mettant l’accent sur la présence et la valeur des femmes qui construisent, luttent et défendent leur cause en ce jour si important pour les travailleuses et travailleurs du monde.
  • Mettre en lien la Warmi Ambulante, une école de formation pour l’action, et ses deux projets, « Femmes des campagnes » et « Productrices de connaissances » avec la « MINGA de Construcción de Saberes de Mujeres » du Frente de las Mujeres Defensoras de la Pachamama, afin de créer un espace permanent d’échange de connaissances.
  • Chercher du soutien à la production agricole grâce aux projets de la Warmi Ambulante et aux organisations étudiantes de différents programmes et facultés.
  • Former les femmes sur des thèmes comme les droits de genre, les inégalités de genre, l’inégalité sociale, les droits du travail, les droits humains, les droits environnementaux, les droits de la nature, la santé, la santé sexuelle et reproductive, la santé psychologique et émotionnelle, la sexualité, et les soins du corps.
  • Commencer à changer les pratiques sexistes, de discrimination et de violence envers la femme dans nos foyers, organisations et espaces de vie quotidienne.
  • Réaliser dans les secteurs populaires des campagnes de sensibilisation contre le consumérisme, en revendiquant la souveraineté alimentaire et le droit à l’alimentation.
  • Mener des campagnes contre la dévalorisation du travail de la femme.
  • Coordonner des actions contre les grands projets miniers et la vente du territoire national pour de nouvelles concessions minières.
  • Diffuser, par le biais d’activités telles que des débats, forums, ateliers et tables-rondes, notamment, en particulier dans les villes et auprès des femmes, de l’information sur les impacts de l’industrie minière de grande échelle et sur les résistances menées par les femmes pour faire face à l’industrie extractive.
  • Réaliser la campagne : « Les femmes contre la farce électorale » dans le cadre des élections bourgeoises de 2017.
  • Mettre en place chaque année au moins deux assemblées de déléguées afin de coordonner et concrétiser les décisions prises.
    La participation active dans la Marche pour la défense de l’économie paysanne, convoquée par l’Association de paysans de Limón Indanza (ACLI) et la Coordination paysanne populaire (CCP) le 26 juin à Limón.
  • Diffuser le plus largement possible les résolutions adoptées lors de cette rencontre.
  • Assurer un suivi de l’accomplissement de ces résolutions.

 

Photo : Rencontre des femmes des zones rurales et urbaines. Photographie du Front des femmes défenseures de la Pachamama

Traduction par Alice Doucet

Frente de Mujeres Defensoras de la Pachamama
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