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« NAXME » La radio du peuple Me’phaa, San Miguel d...

« NAXME » La radio du peuple Me’phaa, San Miguel del Progreso, région de la Montaña, État de Guerrero, Mexique

Il y a trois ans, au cœur de la région de la Montaña, dans l’État de Guerrero, au Mexique, est née l’initiative de communication impulsée par la station de radio « Naxme » du peuple originaire Me’phaa. Celle-ci avait comme objectif de transmettre, dans leur langue, de l’information sur le contexte et le quotidien des peuples de la montagne, mais surtout, de fournir de l’information sur la problématique structurelle qui afflige les peuples de la région, particulièrement causée par l’imposition de projets extractifs, surtout miniers, ainsi que sur l’imposition de la part du gouvernement d’une réserve de la biosphère dans le territoire communautaire.

Depuis, ce qui représente un des efforts les plus importants des dénommés systèmes de communication alternatifs, par et pour les peuples de la zone, continue toujours d’exister.

Une équipe limitée, des règles gouvernementales impossibles à suivre afin de transmettre de façon « légale », conformément au paramètre implanté pour cela par le gouvernement mexicain, peu de ressources financières pour faire fonctionner l’opération qui inclue la mobilité pour les reportages et l’entretien de l’équipement, ce sont tous des obstacles qui nous empêchent de construire des projets de communication et d’information alternatives. Ces enjeux représentent en même temps un magnifique défi de pouvoir local par les peuples, pour les peuples, car ils dépassent les vicissitudes d’une réalité imposée par un système dominant. Celui-ci ne fait pas que bloquer le déploiement de processus alternatifs, mais il impose également ses propres règles du jeu afin d’empêcher tout effort qui puisse se traduire en compétence locale, médiatique ou informative générant des analyses et des réflexions sur les processus.

C’est dans ce contexte que se trouve toujours la radio Naxme afin d’informer et de provoquer des réflexions à l’intérieur des communautés pour qu’elles prennent non seulement leurs propres décisions, mais de meilleures décisions. Que leur programmation puisse à la fois donner de la joie avec la transmission de ce qui leur est propre, de ce qui est compréhensible dans leur langue locale, de ce qui est culturel, mais qu’elle avertisse également de ce qui porte atteinte à la communauté, aux biens naturels et au territoire du peuple originaire. Ainsi, à travers la communication et l’information, radio Naxme situe et renforce les hommes et les femmes qui résistent et se défendent de ceux qui cherchent à les exproprier de leur communauté.

Argumentation

Au milieu d’une ère dans laquelle les systèmes et la technologie de la communication ont atteint les plus hauts standards de globalisation, de massivité et de transcendalité, l’opacité informative, la manipulation du message, l’utilisation de langages de communication illisibles et incompréhensibles sont toujours en prédominance. Il en va de même avec la mise en place de monopoles qui contrôlent les principales structures de communication afin de faciliter la diffusion de messages inertes qui provoquent une consommation démesurée, tout en générant de l’anxiété et en alimentant des stéréotypes qui visent tous la création d’un public captif, avec de fortes carences en ce qui a trait à développer des analyses de la réalité, ayant comme conséquence l’imposition de modèles politiques et commerciaux d’acquisition massive.

La communication alternative se manifeste dans un contexte de systèmes de communication commerciaux et qui commercialisent, contre lesquels elle mène une sanglante bataille depuis des années afin de promouvoir, de générer et de défendre des espaces de communication du peuple et des communautés. Ceux-ci misent essentiellement sur des processus alternatifs à caractère politique, productif, économique, médiatique et de renforcement social des femmes et des hommes pour qu’à partir de leur réalité, elles et ils puissent conserver leurs principales forces; la continuité de la communauté ainsi que la préservation de son territoire et des biens naturels qui les entourent.

Radio Naxme du peuple Me’phaa est située dans la communauté de San Miguel del Progreso, dans la municipalité de Malinaltepec, de la région de la Montaña, État de Guerrero, au Mexique. Depuis sa création, la radio est un exemple de projet alternatif de communication et d’information, car elle intègre les activités quotidiennes en tant qu’élément central de sa stratégie de communication. À travers ses propos, elle reprend l’histoire des grands événements marquants des peuples afin que les nouvelles générations n’oublient pas leurs racines, leur origine et leur destin. La radio informe de façon permanente ce qui est proposé par la communauté et les populations voisines comme sujet d’intérêt local et régional; elle informe des menaces, tout en diffusant les alternatives pour les combattre. D’une certaine façon, elle fournit les éléments d’analyse pour que l’organisation communautaire puisse s’améliorer.

C’est un média qui est entre les mains des personnes de la communauté, un média qui parle par lui-même de la problématique externe qui les afflige. C’est également un moyen de communication dont les portes sont ouvertes, où l’on donne la parole sans censure, afin que les autres l’écoutent et se forgent des opinions. C’est une radio modeste, mais très riche en information diversifiée, car elle parle de la culture des peuples, particulièrement sur celle du peuple Me’phaa qui est à son origine.

Ce moyen de communication alternatif facilite et permet de faire connaître l’opinion et la voix de femmes et d’hommes de tout âge, faisant écho aux divers concepts et intérêts qui prévalent dans la communauté. Il renforce le caractère de ce qui leur est propre et sacré, ainsi que la pertinence du dialogue dans la communication.

Sa principale vertu est d’être un moyen de communication aux mains de la communauté. Celle-ci maintient une programmation compréhensible pour elle-même. C’est dans ce sens qu’elle est un média alternatif, car elle crée une rupture avec les programmes quotidiens et dépourvus d’information pertinente, occupant ce vide sur lequel elle s’est édifiée. Les personnes se sont rendu compte que l’utilisation de la communication, particulièrement celle de qualité, peut servir à créer les conditions pour une société qui, à partir de la participation, puisse agir en collectif afin de répondre à ses besoins précis.

Radio Naxme transmet autant la célébration traditionnelle nommée petición de lluvias que des capsules audios contre les menaces des projets extractifs envers le territoire. Elle passe sur ses ondes de la musique traditionnelle des groupes communautaires et fait également référence à la musique des peuples d’autres nations. La radio diffuse des communiqués et des nouvelles qui aident à combler le manque de canaux et de signal téléphonique. Elle promeut également les forums et les rencontres des peuples et ouvre des espaces aux groupes et aux individus qui désirent partager de la musique, des expériences, des commentaires et des histoires.

Il est paradoxal que cette radio ne possède pas toute la technologie qui, de nos jours, a soi-disant rapproché l’humanité entière, elle n’a utilisé que la stratégie de communication afin d’offrir un service de communication et de dialogue permanent. Malgré toute leur technologie, les autres médias sont incapables d’atteindre cela.

Radio Naxme est une radio alternative en construction permanente; c’est également une radio en résistance, car la transmission est entravée par les gouvernements qui refusent de respecter le plein droit à l’information. C’est une radio culturelle qui se documente elle-même en partageant ses histoires qui n’ont rien à voir avec celles des autres médias où la banalité, l’ésotérisme et le voyeurisme de l’insignifiance dominent.

Conclusions

La radicalité du capitalisme a imposé une forme pour communication de masse capable de transcender dans toutes ses formes, depuis la construction du message jusqu’au média de transmission et son destinataire, afin d’entraver et de ruiner toute possibilité d’analyse et de réflexion de l’information diffusée. Son objectif est de créer des femmes et des hommes apathiques face à leur réalité et prêts à vivre de la consommation incontrôlée.

La dénommée communication alternative est une forme de résister aux systèmes de communication conventionnels. Pour qu’elle puisse réellement être définie comme étant de la communication alternative, celle-ci ne doit pas seulement être entre les mains de la communauté, mais doit également se démarquer par le type d’information qui est transmise afin que son message atteigne le public visé.

Radio Naxme cherche à informer afin de créer des réflexions, des analyses qui, à partir des histoires et des souvenirs des peuples, puissent renforcer la communication par un processus d’échange dialogique qui pondère la discussion collective, l’accord consensuel et le renouvèlement de ce qui a déjà été appris.

Radio Naxme se démarque comme une alternative de communication, face au paradigme de la modernité, de la technologie et du caractère massif du message transmis par les grands médias pour atteindre beaucoup de personnes sans toutefois générer quoi que ce soit.

La communication alternative donne une voix à la radio, elle est dans un processus constant de proximité avec l’information qui ne se trouve pas dans le local d’enregistrement sinon à l’extérieur. Elle doit donc aller à la recherche de l’information pertinente qu’une communauté considère comme nécessaire pour enrichir leur savoir, leur opinion et leur participation.

La communication alternative se fait à partir d’une approche et d’un approvisionnement contraire au capitalisme, car si ce n’est pas le cas, elle risque de tomber dans la logique de celui-ci.

 

Traduction par Amelia Orellana

Photo : « Radio Naxme, radio communautaire. Des peuples tissent la culture par la parole… ». Logo de radio Naxme.

Miguel Ángel Mijangos Leal
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MIGUEL ÁNGEL MIJANGOS LEAL a participé à des projets de communication pour le développement mettant une emphase particulière sur la construction du message par le sujet, à travers le modèle « interlocuteur-média-interlocuteur ». Il accompagne des processus permanents de communication et d’information dans des communautés autochtones et paysannes tout en faisant la promotion de la méthodologie de communication pour le développement créé par le pédagogue Manuel Calvelo Rios, dans l’objectif de renforcer les processus communautaires.