Mais ce qui souffle, écoute-le,
l’incessante nouvelle qui se tisse de silence.
Un bruit vient maintenant de ces jeunes morts jusqu’à toi.
R.M. Rilke, Les élégies de Duino (traduction de Philippe Jaccottet)
tu cours
tu cours
le long de la ligne de faille
échapper
au pays qui se tord
tu cours
en avant de ta plainte
dans tes mains
la soif
dans ta gorge
la lourdeur des métaux
les fruits sont pour d’autres
il a fallu la terre
tu as perdu jusqu’à ton nom
déserter
le pays qui te défait
terribles connivences
qui happent jusqu’au désir
déflagration
places brisées
même les icônes
se sont tues
quand le jour a sonné
il n’y avait plus
où rentrer chez soi
quitter
le pays qui se casse
dans les pans de ta robe
les restes de clarté
s’effritent
un puits
il faisait bon s’y rendre
puis la route s’est envenimée
vos sourires
biches affolées
par les coups de semonce
réveils coupants
tu ne fixes nulle étreinte
à l’horizon
avancer
dissimuler les souvenirs
qui s’accrochent
l’éclat des cimes
la fraîcheur des chapelles
les garder
de leurs yeux de flamme sèche
avancer encore
plus loin
peut-être
la quantité de paix nécessaire
pour délacer tes chaussures
Joëlle Gauvin-Racine
Joëlle Gauvin-Racine a grandi à Québec, où elle a étudié en anthropologie. Sa trajectoire a été marquée par son implication dans des luttes écologistes et par des séjours au Mexique, où elle a côtoyé des communautés autochtones en résistance dont la dignité et la vision du monde l’ont grandement inspirée. Depuis cinq ans, elle vit et crée sur une terre dans la région de L’Islet. En 2018, elle a été finaliste du prix de poésie Geneviève-Amyot.