À qui revendique sa négritude
Toi, noiraude, viens ici!
Noiraude, moi?
Appelle-moi Noire
Pourquoi dégrades-tu ma couleur?
héritage muselé
obscure génétique oubliée
éprouvettes aussi blanches que la boue
peau imprégnée de dépouillements
Toi, la brune, viens ici!
Brune, moi?
Non!
Ne vois-tu pas ma couleur?
la cannelle est brune
moi je suis noire comme le poivre
épice de lutte et de tambours
pigment de résistance à la pâleur de la beauté
Toi, la mulâtre, viens ici!
Mulâtre, moi?
Non!
Appelle-moi Noire.
Ne vois-tu pas le fond de ma couleur?
Noire comme la légende ignorée
violée dans le port pourri de l’exil
abusée au son de ceux qui font commerce de l’humanité
et dans mes yeux de tempête se pétrifiait la poésie insurgée
mémoire noire
Afrique migrante
culture écroulée
musique ignorée
lutte à pic
Toi, Chombita[1], viens ici!
Chombita, moi?
Non!
Ni chombita, ni noiraude, ni brune, ni mulâtre.
Moi, appelle-moi Noire.
Traduction par Matthias Gagnon
Notes
[1] Au Panama, femme d’ascendance afro antillaise.
Sharon Pringle Félix
Sharon Pringle Félix est née en 1977. Elle a grandi dans la région de La Chorrera au Panama. Animatrice de radio et journaliste, elle œuvre aussi en éducation populaire. Autant de pratiques où elle embrasse les principes du féminisme décolonial et de l’écologie politique. Si elle se souvient bien, elle écrit depuis l’âge de 14 ans. Pour elle, la poésie est une voie pour défendre le « territoire femme » et revendiquer ses racines noires et autochtones.