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La résistance des femmes dans les Amériques

La résistance des femmes dans les Amériques

Les femmes de partout dans le monde luttent contre les inégalités sociales, économiques et politiques. Elles ont entrepris, depuis des années, un long chemin de dénonciation, d’action et de lutte contre l’oppression qu’elles subissent par des systèmes où se conjuguent le capitalisme, le patriarcat, le colonialisme et le racisme.

Dans ce monde où l’économie est mondialisée, cette résistance de chaque instant s’exerce dans un contexte où la loi du marché règne en détruisant la terre et en s’appropriant nos territoires. Dans les Amériques, les femmes mènent des luttes pour que leurs droits, leurs espoirs, leurs rêves et leur dignité deviennent une réalité. Elles résistent à un ennemi implacable qui a comme seul objectif la concentration du pouvoir et de la richesse. Force est de constater que la majorité de la population, en particulier les femmes et les enfants, s’appauvrissent, et que les droits humains, sociaux et économiques deviennent dans plusieurs pays presque inexistants.

C’est dans ce contexte que des traités de libre-échange et des traités commerciaux, qui ont comme seuls objectifs le profit, la spéculation et la domination de l’économie en respectant seulement les règles du grand capital, se déploient comme une grande toile d’araignée.

De nombreuses femmes provenant de différentes organisations (syndicats, groupes de femmes, organisations non gouvernementales) créent des alliances et des réseaux afin de mener des actions pour riposter aux impacts négatifs de ces accords. Ces femmes participent activement dans les mouvements sociaux pour dire « NON » aux traités de libre-échange en dénonçant les effets et les impacts négatifs sur les peuples. Elles ont été de toutes les luttes pour s’opposer, en 2001, au traité de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA). Elles ont continué la mobilisation contre les accords bilatéraux avec les pays d’Amérique latine. Ces traités bilatéraux poursuivent toujours les mêmes objectifs : assurer davantage aux multinationales en se dotant d’un grand capital, de garanties et de privilèges tout en diminuant les droits (libertés citoyennes, les droits humains et la souveraineté des peuples et des États).

Les militant-e-s des Amériques sont persécuté-e-s et vivent au quotidien la répression. C’est le cas, entre autres, de Maxima Acuña de Cajamarca au Pérou qui se bat contre la multinationale minière Yanacocha, qui cherche à imposer son mégaprojet minier à ciel ouvert à Conga. C’est également le cas de Berta Cáceres, leader assassinée du Conseil civique des organisations autochtones et populaires du Honduras (COPINH), qui travaillait à appuyer les communautés autochtones dans leurs luttes pour le respect de leurs droits territoriaux. Voici donc deux exemples de luttes qui reflètent la dure réalité de militantes et de militants sur notre continent.

Actuellement, la région des Amériques est frappée au plus profond de ses valeurs : la conquête de la démocratie pour nos peuples. Une démocratie qui devait nous permettre d’avancer dans le terrain des conquêtes sociales. Adolfo Pérez Esquivel (Prix Nobel de la paix 1980) déclarait en se référant à la situation actuelle au Brésil : « qu’il s’agit d’une situation semblable aux coups d’État « blancs » que nous avons vus au Honduras avec Zelaya et au Paraguay avec Lugo, qui a signifié des procédures illégales pour violenter la volonté populaire, une augmentation de la répression et des politiques de faim contre le peuple ».

Nous continuerons d’appuyer la lutte de nos compagnes de la Marche mondiale des femmes (MMF) qui, dans les différents pays des Amériques, participent au mouvement populaire de résistance de manière combative et féministe pour un véritable retour de la démocratie qui respecte la volonté populaire.

En 2015, les femmes se sont mobilisées dans l’action mondiale de la MMF qui s’est tenue sous le thème « Libérons nos corps, notre Terre, nos territoires » pour contrer le capitalisme, le patriarcat, le colonialisme et le racisme qui sont responsables de l’austérité, de la destruction environnementale et de la militarisation.

Nous avons affirmé dans un texte de réflexion de la Coordination québécoise de la Marche mondiale des femmes (CQMMF), rédigé pour l’action de 2015 :

[qu’] en marchandisant la terre et ses ressources, le capitalisme engendre des guerres et des déplacements. Notre climat se réchauffe dangereusement et la biodiversité en souffre. Nous sommes très inquiètes de l’incapacité des États à agir réellement pour assurer la protection de l’eau, pourtant centrale au maintien de la vie sur Terre.

Dans la déclaration de la MMF émise lors du Forum social mondial tenu à Montréal en août 2016, nous avons affirmé que :

Nous, les femmes de la MMF, participons aux actions de résistance contre l’industrie extractive et l’impunité dont bénéficient les multinationales et parmi elles, un grand nombre d’entreprises canadiennes qui exploitent les ressources naturelles, détruisent la vie, exproprient les communautés et criminalisent les défenseures et défenseurs de la Terre et des droits humains.

C’est pour ces raisons que nous avons décidé comme MMF, d’appuyer l’appel à la Journée continentale pour la démocratie et contre le néolibéralisme. Cette journée veut souligner :

Qu’après une décennie d’échecs de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA), notre continent fait face à une nouvelle offensive néolibérale.

Cette offensive se manifeste à travers le renforcement des différentes formes d’attaques, qui dépouillent de leurs droits les peuples et qui s’en prennent aux peuples autochtones, aux paysans et paysannes, aux travailleurs et travailleuses, aux femmes, aux jeunes de toute race, sexe et culture confondus, qui grâce à leurs luttes et résistances ont récupéré leurs capacités de devenir des protagonistes des processus de changement et de transformation dans la région.

Nous, qui sommes les héritiers et héritières, les participants et participantes des luttes contre les régimes militaires en Amérique du Sud et dans les Caraïbes, et contre la violence institutionnelle d’État. Nous qui nous opposons sur tout le continent à l’agenda du libre-échange, à la privatisation, à l’exclusion et à la pauvreté ce qui s’exprime dans l’échec du projet néocolonial de la ZLÉA.

Nous refusons cette mondialisation qui a accentué les écarts entre les riches et les pauvres, qui détériorent les conditions de vie et de travail. Nous devons devenir des acteurs et des actrices afin de changer cette façon de vouloir gérer le monde.

Nous avons toujours clairement indiqué que nous voulons d’une intégration qui tiendra compte des valeurs de justice sociale, d’égalité, du respect des droits humains et de la démocratie. Nous voulons une intégration des peuples afin de favoriser un réel développement, le respect de l’environnement et l’élimination de la pauvreté sur notre continent. Les mouvements sociaux se mobilisent pour la justice sociale et la solidarité des peuples.

Nous disons que nous voulons bâtir ensemble des Amériques solidaires où les droits des femmes et des peuples seront respectés!

 

Photo : Marche mondiale des femmes au Brésil. Crédit inconnu

 


Références

Coordination du Québec de la Marche Mondiale des Femmes (novembre 2014). Texte de réflexion pour la MMF 2015. En ligne : http://www.ffq.qc.ca/wp-content/uploads/2014/12/Texte-de-r%C3%A9flexion-MMF-2015.pdf.

Solidaires. « Déclaration de la Marche Mondiale des Femmes au Forum social mondial 2016 à Montréal », en ligne : https://www.solidaires.org/Declaration-de-la-Marche-Mondiale-des-Femmes-au-Forum-social-mondial-2016-a.

Appel à la Journée continentale pour la démocratie et contre le néolibéralisme (juillet 2016), en ligne : https://seguimosenlucha.wordpress.com/2016/07/06/appel-a-la-journee-continentale-pour-la-democratie-et-contre-le-neoliberalisme/.

Émilia Castro
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Emilia Castro, chilienne d’origine, est arrivée au Québec suite au coup d’État de Pinochet en 1973 au Chili. Militante des droits humains, elle est connue pour son engagement féministe et syndical. Elle est une des coordonnatrices de la Marche mondiale des femmes pour la région des Amériques et Vice-présidente du Conseil central de Québec Chaudières Appalaches.