Les luttes populaires et syndicales en Amérique latine ont joué un grand rôle dans la préparation de la Conférence internationale de solidarité ouvrière (la CISO) qui s’est tenue à Montréal du 13 au 15 juin 1975 et qui a été suivie par la création d’un organisme permanent, le Centre international de solidarité ouvrière (CISO). Les « voyages politiques » effectués par des groupes de militant-e-s au Moyen-Orient, soit en Palestine, en Syrie, au Liban et en Libye, avaient également contribué à la création de l’organisme, notamment après la promesse faite par Michel Chartrand à Yasser Arafat (alors récemment revenu en Palestine) de tenir une telle conférence. Cependant, c’est surtout la participation même de Michel Chartrand, alors président du Conseil central de Montréal de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), à la Conférence internationale de solidarité à Santiago au Chili en 1972, organisée par la Centrale unique des travailleurs (CUT) de ce pays, qui en a été l’élément déclencheur. À cette époque, il n’avait pu rencontrer le président Salvador Allende, qui avait été élu à la tête de l’Unité Populaire en 1970, mais il avait pu constater les progrès sociaux et politiques réalisés au Chili depuis cet événement.
Si je puis partager ici des souvenirs personnels, j’avais vu moi-même, après mon arrivée dans ce pays en octobre 1970, l’amplitude des réformes entreprises par ce nouveau gouvernement. Je m’étais aussi impliquée pour une modeste part dans la défense d’un régime de plus en plus menacé telle; les vigiles nocturnes dans les usines nationalisées et ma participation aux nombreuses manifestations syndicales et populaires.
Après mon enlèvement en pleine nuit, à la suite du coup d’État de Pinochet en 1973, et mon retour au Québec, j’ai rencontré d’autres exilé-e-s, notamment Robert Quevillon, qui ont participé activement à la préparation de la CISO avec les militant-e-s du Conseil central de Montréal de la CSN, de la Centrale de l’enseignement du Québec (CEQ), du SUCO, du Secrétariat Québec Amérique latine (SQAL), du Comité Québec-Palestine, d’Oxfam-Québec et de Développement et Paix. C’est aussi à cette époque que fut créé le Comité chrétien pour les droits humains en Amérique latine (CCDHAL).
Par la suite, l’Amérique latine a été au cœur même des activités du CISO par l’organisation de nombreux stages, de missions et de tournées au Québec avec des représentant-e-s d’organisations syndicales latino-américaines. C’est pourquoi, après les premières expériences à Cuba, c’est en Amérique centrale et du Sud qu’a eu lieu la majorité des stages du CISO.
Dès 1980, après le soulèvement sandiniste et le renversement de la dictature de Somoza, plusieurs stages se sont déroulés au Nicaragua, pays qui avait alors un urgent besoin d’aide, notamment pour sa campagne d’alphabétisation. Des cahiers, crayons et gommes à effacer, par exemple, ont été recueillis dans les écoles du Québec. Cette campagne exemplaire a d’ailleurs été reconnue par l’UNESCO comme la meilleure de ce genre au monde.
Dans les années qui suivirent, d’autres stages ont eu lieu au Guatemala, au Pérou et en Argentine. Parallèlement, des tournées à travers le Québec ont été organisées pour permettre à de nombreuses personnalités en provenance de l’Amérique latine de rencontrer des syndicats de base, des comités de solidarité internationale dans les régions et même des parlementaires du Québec et des représentant-e-s des affaires étrangères du Canada.
À ces activités s’ajoutent des missions répondant à des objectifs précis, telles que :
- une mission de femmes québécoises pour rencontrer les prisonnières politiques du Chili en 1987;
- une mission à l’occasion du plébiscite de Pinochet au Chili en 1988;
- une mission d’observation électorale au Nicaragua en 1990;
- des missions de suivi sur les Accords de paix au Salvador et au Guatemala en 1998.
Ces quelques exemples démontrent bien les liens étroits qui ont toujours existé entre le CISO et l’Amérique latine. Ces actions ont continué à mobiliser beaucoup de militant-e-s qui y ont participé et elles les ont incités à s’impliquer dans de nombreux domaines liés à l’Amérique latine, notamment dans une mission d’observation internationale des élections au Venezuela, la mise sur pied de la Fondation Salvador Allende pour le Chili, etc. Le CISO s’est révélé être une pépinière de militants et de militantes dévoué-e-s à toutes les causes concernant l’Amérique latine et cela se poursuit encore aujourd’hui.
Bien entendu, il est aussi très important de mentionner que la base de l’action du CISO a toujours été de susciter dans le mouvement syndical québécois une ouverture et un engagement à la solidarité internationale, un volet qui, jusqu’alors, n’existait pratiquement pas à la base des syndicats locaux avant les années 1975. Des comités locaux de solidarité internationale ont été mis sur pied dans la plupart des régions du Québec et certains existent encore aujourd’hui ou se sont transformés en petites organisations locales fonctionnant de manière autonome.
Il importe aussi de souligner la présence très active du CISO en Afrique australe, notamment en Afrique du Sud (lutte intensive contre l’apartheid), au Mozambique, en Angola, au Zimbabwe, en Namibie, en Guinée-Bissau, ainsi qu’au Burkina Faso en Afrique occidentale.
Dans cette optique, l’Amérique latine a servi de « laboratoire » pour le développement international du CISO et restera très chère au cœur de tous les militants et militantes de cet organisme!
Photo : Conférence internationale de solidarité ouvrière, juin 1975 / Photographie tirée du bulletin Solidarité no 1, mai 1976, du CISO
Clotilde Bertrand
Clotilde Bertrand a passé ses vingt dernières années sur le marché du travail à faire de l’éducation à la solidarité internationale au CISO. Elle a pris part à des sessions de formation, des colloques et des missions d’observation au Liban, au Chili et au Nicaragua ainsi que des stages en Amérique du Sud, à Cuba, en Amérique centrale et en Palestine. Au cours des années 1970 et 1980, elle a participé activement à l’accueil des réfugié-e-s chilien-ne-s, salvadorien-ne-s et guatémaltèques au Québec. Militante infatigable, elle s’est impliquée pour la protection de l’environnement et la justice sociale au cours des dernières années. Elle a été candidate pour Québec solidaire aux élections provinciales de 2014.