Instantanées de la Covid-19

 

I

Comment est le monde là-dedans ?
Demande le vent qui se pointe à la fenêtre.

Dehors rien d’autre que bruits, voix et alarmes.
La boule aux ventouses a volé nos trottoirs,
a fait disparaitre les autres fléaux.

Plus que le virus,
la peur nous est contagieuse.

Le monde tremble,
s’ébranle,
frissonne.
Nous nous appréhendons nous-mêmes;
nous refusant la toux,
la fièvre et le respir.

Nous avons blanchi nos vies à force de les laver.

 

II

La planète s’enfièvre sous les déclarations.
Les gouvernements crachent leurs réponses.
Faisant feu à l’aveuglette dans toutes les directions.
Réalisant que le système est un respirateur hors d’usage.

Ils vacillent et ils tremblent
ceux qui ont détourné l’avenir à leur profit.
Plus que ceux qui, avec ou sans pandémie,
ont la certitude que leur mort ne compte pas.

J’aimerais tant,
quand faiblira la rumeur des actionnaires,
que la pourriture humaine se retrouve sans masque,
et qu’aucun vaccin ne vienne la sauver.
Si on pouvait se réveiller sans souhaiter que le monde redevienne comme avant.

 

III

 Je suis enfermé,
Le monde du dehors me regarde.
une photo du dernier restaurant, de la dernière rencontre;
de cette nuit ou mes pieds
ont entonné la cumbia de mes pas en savourant la rue.

Je me fais pitié.
Je suis moi et quelqu’un d’autre.
ils m’ont transmis leur peur :
le masque est impuissant face à ce que l’on entend.

 

IV

Quand mes souliers chevauchent les ruelles,
sous la gifle de l’air froid,
le monde que j’ai connu se tord dans l’effroi :
dresse des cloisons de deux mètres,
et croit naïvement :
«que les malheurs ne sautent pas».

 

V

 La planète est un masque ambulant.
Elle enfile sa muselière pour esquiver la mort :
cagoules nouveau genre en bleu ou en blanc.
Passe-montagnes de plastique,
derrière lesquels le médecin ou le commis nous répondent et nous repoussent.

Nous fuyons l’autre comme on s’échappe d’un assassin.

 

VI

Peur de toucher les poignées.
Alors laisse les portes nues.
Ou plutôt : bas les portes !
Comme ça je n’aurai pas besoin de crocheter pour t’embarquer.

Refuse la quarantaine.
Oublie les foutus deux mètres.
Contaminons-nous
toi de moi,
moi de toi,
Que les virus nous écrasent,
nous piétinent,
nous écrabouillent
et qu’ils déambulent partout où ils veulent
jusqu’à ce que nous mourrions entre nous.
En ces temps où la mort n’est qu’un nombre,
un orgasme est la seule chose acceptable.
Mais je tiens à t’avertir :
j’aurai un problème si tu exiges
que je mette une capuche ailleurs qu’en bas du nombril.

 

Vancouver, B.C., 3 juin 2020

 

Traduction par Pierre Bernier

Raul Gatica
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