Après un processus de débats avec les radios de tout le pays, l’AMARC Brésil (Association Mondiale de Radiodiffuseurs Communautaires) publie une lettre ouverte sur le futur des radios communautaires à l’ère numérique. L’objectif est de garantir que la numérisation des radios inclut également les radios communautaires quant à leur liberté d’expression.
Selon Pedro Martins, membre du conseil politique d’AMARC, cette lettre, qui a été écrite collectivement, est très importante en ce moment au Brésil. Pour lui, le débat sur la communication, principalement depuis le coup d’État de 2016, est paralysé. La lettre a comme objectif d’inviter les mouvements de communication à un dialogue et mettre le thème à l’ordre du jour.
Le document indique également les directives pour le choix du modèle numérique à être utilisé au Brésil, un modèle ouvert qui garantit la démocratisation de la communication.
Voici la lettre intégrale :
Lettre ouverte sur le futur des radios communautaires à l’ère numérique
Premièrement, l’AMARC Brésil dénonce le gouvernement illégitime de Michel Temer qui, dès ses premiers jours, attaquait de front la communication publique, initiant le processus de déstabilisation de l’entreprise brésilienne de communication au moyen de mesures provisoires. Une telle attitude met en évidence un scénario contraire à des possibles avancées et appropriation des droits dans le champ de la communication.
Les radios communautaires, même dans un contexte démocratique, souffraient déjà de persécutions et de criminalisation, fonctionnant sous une loi restrictive, sans aucune avancée réglementée significative. Maintenant, avec le contexte politique particulièrement défavorable, des barrières sont imposées quant à la concrétisation du potentiel démocratisant de la radio numérique.
Dans ce scénario, la réarticulation, le dialogue et les actions concrètes pour le renforcement des radios communautaires depuis leurs origines sont essentiels. Il en va de même pour les alliances avec les groupes qui luttent pour les droits humains à la communication et à la liberté d’expression, les universités, les mouvements syndicaux et sociaux.
Dans le champ de la défense de la communication comme droit humain, nous soulignons la proximité avec le Mouvement national des radios communautaires (Movimento Nacional de Rádios Comunitárias, MNRC), le Forum national pour la démocratisation de la communication (Fórum Nacional de Democratização da Comunicação, FNDC), le Collectif Intervoix (Coletivo Intervozes), Article 19 (Artigo 19), Reporters sans frontières et les collectifs de radios libres. Effectivement, ils ont comme nous la perspective de défense de la radio comme moyen stratégique pour la consolidation de la démocratie brésilienne.
Tout au long du siècle dernier, la radio a été menacée d’extinction. Au cours des années 1950, l’arrivée de la télévision a apporté des prévisions alarmistes sur sa permanence comme véhicule de masse. Les années 2000 ont apporté l’Internet et la convergence technologique comme éléments qui pourraient « surpasser » la capacité communicative de la radio en termes d’interactivité. Cependant, la radio a continué en se réinventant. Elle maintient la crédibilité de son contenu et son extension que personne ne pourrait remettre en question, elle existe dans plus de 80 % des foyers brésiliens (IBGE, 2013), étant très souvent l’unique moyen de communication dans les régions éloignées. Par conséquent, elle est responsable d’acheminer des contenus divers aux grandes aires de désinformation, abandonnées par les médias commerciaux.
Malgré la grande incidence sociale de la radio, les radios communautaires souffrent des mêmes défis de construction de politiques publiques pour un large accès de la société à des concessions et modes de production. Toutefois, ce même mouvement garde, en soi, la capacité d’être protagoniste dans la dispute pour le spectre libre, le droit à l’antenne et l’insertion de nouveaux acteurs et actrices communautaires et populaires dans la lutte pour la démocratisation de la communication brésilienne.
Dans le contexte de numérisation de la radio au Brésil, l’AMARC Brésil propose les principes suivants quant au modèle à adopter :
Les États doivent s’assurer que la migration vers les nouvelles technologies de transmission soit une opportunité pour le développement de la pluralité et de la diversité et non pas pour maintenir ou consolider la concentration des services de communication audiovisuelle (Principe 39 de la publication d’AMARC « Principes pour garantir la diversité et la pluralité dans la radiodiffusion et dans les services de communication audiovisuelle »).
Dans la planification de la transition de la radiodiffusion analogique à numérique, les conséquences sur l’accès aux moyens de communication et différents types de moyens doivent être considérées. Les États doivent adopter des mesures pour assurer que le coût de la transition numérique ne limite pas la capacité du fonctionnement des moyens publics et communautaires. Les moyens ne devront pas souffrir de discrimination et sauront respecter les prévisions nécessaires pour garantir la continuité des émissions réalisées sur support analogique simultanément jusqu’à épuiser les processus de transition en conditions raisonnables (Principe 40 de la publication d’AMARC « Principes pour garantir la diversité et la pluralité dans la radiodiffusion et dans les services de communication audiovisuelle »).
Que les défis de la convergence des moyens et de la numérisation des supports analogiques soient envisagés dans un contexte d’adaptabilité technologique et règlementée, transparent et équitable.
Que le processus de recherche, débat et définitions de la technologie numérique de la radio soit réalisé avec la participation et la délibération des organisations de radiodiffusion communautaire et de tous les secteurs de la société brésilienne pour l’ensemble du pays.
Que le choix du modèle de la radio numérique au Brésil considère les différences régionales du pays, utilisant une technologie ouverte, adaptable et amicale pour des innovations qui augmentent le potentiel d’inclusion à l’aide d’outils offerts pour la radio numérique, proportionnant une plus grande égalité sociale.
Que la transition de la technologie analogique numérique considère la nécessité de l’appui économique, social et politique, exigeant la mise sur pied de politiques publiques garantissant des droits d’accès et d’accessibilité.
Olinda, 10 décembre 2016
Pulsar Brasil
AMARC BRASIL a été créée en 1995 et fait partie de la région Amérique latine et Caraïbes de l'Association mondiale des radios communautaires, reconnue comme une organisation non gouvernementale internationale de nature laïque et à but non lucratif. Depuis plus de 25 ans, l'AMARC lutte pour le droit à la communication aux niveaux international, national, régional et local, en faisant la promotion du mouvement de la radio communautaire par la solidarité, le travail en réseau et la coopération.