Nous le pouvons
16 mai 2024Dans mon village
11 novembre 2024Chères lectrices, chers lecteurs,
Ce numéro de Caminando est bien particulier. Il marque la fin d’un chapitre important dans l’histoire de la solidarité internationale québécoise, avec la fermeture du Projet Accompagnement Québec-Guatemala (PAQG), après plus de 30 ans de lutte aux côtés des défenseurs et défenseuses des droits humains au Guatemala. Née d’une volonté partagée d’appuyer les communautés confrontées à la violence, à la répression et aux injustices, cette organisation a été bien plus qu’un simple projet : elle a incarné un engagement, une mission de solidarité et de défense des droits qui s’est ancrée dans le cœur de celles et ceux qui y ont contribué.
L’histoire du PAQG est intimement liée à celle de notre revue et du Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL). Depuis les années 1970, le CDHAL s’est engagé dans la défense des droits des peuples face à la répression, en réponse aux dictatures et aux conflits armés dans la région. En 1992, le PAQG voit le jour et rejoint les rangs des comités de solidarité d’Amérique latine. Le PAQG a d’abord soutenu le retour des réfugié·e·s guatémaltèques. Depuis 1998, il répond à la demande d’accompagnement international formulée par les organisations et les défenseur·e·s des droits humains qui reçoivent menaces et intimidations du fait du travail qu’ils et elles effectuent. La collaboration entre le CDHAL et le PAQG s’est manifestée au fil des décennies à travers des projets d’éducation à la citoyenneté mondiale et à travers des actions de plaidoyer, s’adaptant aux évolutions des contextes locaux et aux enjeux contemporains tels que le néocolonialisme et les violations des droits liés à l’extractivisme.
Ensemble, nous avons contribué à créer des espaces d’échange et de sensibilisation, renforçant les liens entre les mouvements sociaux des Amériques et plaçant la solidarité internationale au cœur de nos missions. Le CDHAL et le PAQG ont collaboré et se sont alliés fréquemment sur le suivi de dossiers au Guatemala combinant leurs réseaux et savoir-faire pour mettre en lumière le travail de défenseur·e·s guatémaltèques. Partageant une base militante forte, nombreux·ses membres du PAQG ont rédigé pour la revue Caminando notamment sur leur expérience d’accompagnement international. Pour ce numéro, le CDHAL souhaite souligner l’engagement et la trajectoire du PAQG et de ses membres pour la justice au Guatemala. Au-delà du travail du PAQG, ce numéro fait rayonner le travail des défenseur·e·s guatémaltèques, qui malgré de nombreux obstacles, dont la démobilisation de la coopération internationale, continuent à demander justice.
En effet, alors que le Guatemala traverse une période charnière, marquée par l’élection de Bernardo Arévalo et par une mobilisation sociale sans précédent, nous devons garder à l’esprit que le chemin vers une démocratie véritable reste difficile. L’élection d’un candidat issu des mouvements populaires a réveillé les espoirs de changement, mais elle a aussi été suivie d’une répression accrue de la part des élites en place, désireuses de conserver leur pouvoir. C’est un moment critique où les acquis démocratiques sont plus vulnérables que jamais, et où la solidarité internationale reste cruciale.
Ce numéro s’ouvre avec un récit fictif qui contextualise les luttes sociales et politiques des années 1940, en montrant les tensions entre les promesses démocratiques faites par le gouvernement guatémaltèque et la domination économique exercée par des multinationales étrangères. Le texte aborde les défis rencontrés par le Guatemala dans ses efforts de modernisation et de redistribution des richesses.
Les articles suivants traitent du processus de réconciliation nationale et des obstacles à la justice transitionnelle qui persistent encore aujourd’hui. Ils s’inscrivent dans une réflexion plus générale sur les entraves structurelles qui freinent la consolidation d’un véritable État de droit.
Le dossier se poursuit avec une rétrospective sur le rôle du PAQG dans l’accompagnement international et sur les impacts de sa fermeture, dans un contexte de démobilisation de la coopération internationale. Ces contributions montrent comment cet accompagnement a constitué une stratégie essentielle pour protéger et promouvoir les droits humains.
Les derniers articles abordent les dynamiques politiques actuelles, marquées par l’élection de Bernardo Arévalo et par une mobilisation sociale sans précédent. Les analyses exposent les défis d’un gouvernement qui tente de réformer un système corrompu enraciné dans l’impunité, tout en répondant aux demandes de justice des mouvements populaires.
Le numéro se poursuit avec des articles sur les luttes actuelles pour la justice au Guatemala et les efforts pour mettre fin à l’impunité. Enfin, un texte explore les dynamiques migratoires en Amérique centrale. Le numéro se clôt avec un poème qui célèbre la résilience et la solidarité des femmes.
Ce numéro, en plus d’honorer le travail du PAQG, est aussi un appel et un engagement à poursuivre l’esprit de solidarité et de résistance. Les luttes ne s’arrêtent pas, et les liens tissés continueront d’inspirer et de renforcer les mouvements sociaux au Guatemala et au-delà. Nous savons que les militant·e·s et les organisations avec lesquelles le PAQG a travaillé poursuivront ce combat pour la dignité et la justice. De notre côté, au CDHAL, nous restons déterminé·e·s à soutenir ces luttes et à maintenir cet engagement qui nous unit depuis tant d’années.
Nous remercions toutes les personnes ayant participé à la revue pour leur précieuse collaboration : auteurs·trices, poètes, illustrateurs·trices, traducteurs·trices, réviseur·e·s, membres du comité éditorial et du comité de développement, ainsi que nos partenaires financiers et de diffusion. Nous remercions également l’artiste Mateo Pablo pour l’illustration de la couverture de ce numéro.
Bonne lecture!
Ella Noël
Ella Noël est adjointe à la coordination de la revue Caminando. Elle poursuit actuellement une maîtrise en gouvernance internationale et migrations à Sciences Po Paris. Elle s’intéresse particulièrement aux situations de conflits civils et post-conflits, ainsi qu’au rôle de la communauté internationale dans la promotion de la paix et la reconstruction.
Charlotte Volet est administratrice sur le conseil d’administration du PAQG et travaille pour une organisation non gouvernementale de coopération internationale. Elle est détentrice d’une maîtrise en justice transitionnelle, droits humains et État de droit de l’Académie de Genève.